Cherchant, comme beaucoup de mes collègues et concitoyens, d'autres façons de mieux vivre cette période instable ainsi que des marges de manœuvre pour agir à mon niveau, je me suis inscrite en octobre à une formation de trois jours intitulée "Robustesse : du concept à l'opérationnel", animée par mon collègue de l'Ouvre-boites Manuel Ibanez (Géostipa). De quoi s'agit-il au juste ?
La robustesse est un concept développé notamment par le biologiste Olivier Hamant. C'est la capacité à se maintenir stable sur le court terme, et viable sur le long terme et ce malgré les fluctuations qui nous entourent. Pour ce faire, il est proposé de s'inspirer du vivant et ses écosystèmes où bien souvent, une multitude de chemins et d'interdépendances (pas toujours très optimisées) permettent d'aller vers la viabilité : on y trouve des lenteurs, des incohérences, des redondances...bref, une multitude de caractéristiques qui sont à l'opposé d'un système dominant basé sur la performance. La robustesse est une manière de sortir de l'addiction individuelle et sociétale à la performance, tout en prenant soin de de la santé humaine, de la santé de la société et de la santé des milieux naturels.
Cette proposition correspond à mon système de valeurs, à mon souhait de sortir d'un monde obsédé par la croissance, le développement, la vitesse... Mais pour l'instant, pour reprendre le terme de Bruno Latour, la question de l'atterrissage de la robustesse reste entière. Comment concrètement pratiquer la robustesse dans un système qui, majoritairement, n'y accorde aucune place, qui ne la valorise pas du tout ? Comment être robuste en se préservant, car décider d'aller à contre-courant du système dominant peut être fragilisant ?
Formation "Robustesse : du concept à l'opérationnel", jour 1 dans les marais de la Brière pour observer le vivant, et dans le Jardin aux Dragons, chez Pierre Guéno pour la théorie en action !
Alors que je me pose ces questions, j'ai l'opportunité d'aller écouter Michel Lussault qui, à l'occasion de la sortie de son ouvrage "Cohabitons ! Pour une nouvelle urbanité terrestre" nous propose une réflexion autour du thème "Le monde est vulnérable, comment en prendre soin ?" Cela me fait écho bien-entendu : la robustesse est-elle à l'opposée de la vulnérabilité (comme on pourrait l'entendre dans le langage courant) ou au contraire, n'est-elle pas son partenaire ? La vulnérabilité n'est-elle pas ce qui rend nos systèmes plus robustes ?
Entre autres, je retiens de la conférence cette image paradoxale de l'humain moderne qui s'ancre dans une espèce de technico-puissance, mais qui est toujours rattrapé par ses vulnérabilités. Plus il tente de contrôler la planète et ses soubresauts avec des solutions techniques, plus elle lui échappe (cf la crise du COVID, les inondations à Valence, les méga-feux...) ! Dans notre monde performant et moderne, la vulnérabilité est perçue comme une faiblesse, un défaut. Pourtant, elle ne cesse de se rappeler à nous : notre condition originelle c'est la vulnérabilité, nous ne pouvons nous y soustraire. Cette vulnérabilité rend le lien à l'autre, la solidarité et l'entraide incontournables pour vivre dignement. Dans ce contexte, la notion du "care", développée par la philosophe Cynthia Fleury prend toute sa place. Cette considération et attention à l'autre, aux vivants comme aux non-vivants, est indispensable sur une terre où nous devons cohabiter, rappelle Michel Lussault.
Ces réflexions renvoient aux interdépendances des systèmes dont parle la robustesse. Pour être plus robuste, pour cohabiter sur cette terre, nous devons porter une attention à, et s'appuyer sur, nos vulnérabilités, prendre en considération ce, ceux, celles avec qui nous habitons.
Le troisième fil de la convergence est double. Il ne s'explique pas, il se regarde, s'observe, se ressent, s'écoute.
Je vous invite, si vous êtes nantais.e, de prendre un peu de temps pour aller à la rencontre de l'expo : "Fragiles dans un monde fragile", qui reprend ce thème de notre fragilité inhérente qui, par son humanité, peut devenir force.
Si vous n'êtes pas nantais.e, je vous invite à regarder ce documentaire émouvant, juste et profondément humain sur un groupe d'enfants : ils et elles sont entendant.es, mal-entendant.es ou totalement sourd.es. Mais ensemble, et grâce à l'appui de professionnel.les, ils font de la musique. Cela s'appelle "la musique sourde" et c'est le nom du documentaire que vous pouvez visionnez ICI). A mon sens, il s'agit là d'un bel exemple de vulnérabilités et fragilités transformées en forces pour devenir robustesse !
Un documentaire réalisé par Daniela Lanzuisi, mais qui n'est disponible en replay sur France TV que jusqu'au 22 décembre 2024 ! Dépêchez-vous !
Lorsqu'il y a autant de convergences, je me dis qu'il est important de les entendre, d'y prêter attention et de suivre les intuitions qu'elles provoquent.
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